Ces scientifiques du Scripps Institute (La Jolla), spécialisés dans les addictions, traquent le circuit cérébral responsable des envies d'alcool. Leurs travaux, présentés dans Nature Communications, qui identifient un groupe de neurones clés responsables de cette addiction, pourraient ouvrir la voie à la mise au point de médicaments ou de thérapies géniques pour traiter la dépendance à l'alcool.
Ces scientifiques ont découvert qu’ils pouvaient annihiler le désir d’alcool, chez des rats modèles d’alcoolodépendance. Ils utilisent des lasers (optogénétique) pour inactiver temporairement une population neuronale spécifique, parviennent ainsi à inverser le comportement de recherche d'alcool et même réduire les symptômes physiques du sevrage. L’auteur principal, le Dr Olivier George, professeur associé au Scripps commente ces travaux : « Cette découverte est passionnante. Elle signifie que nous avons un autre morceau du puzzle pour expliquer le mécanisme neuronal qui conduit à la consommation d'alcool ». Bien que ce traitement au laser ne soit pas encore adapté à l'usage humain, l'identification de ce groupe de neurones ouvre la porte à la mise au point de médicaments ou même de thérapies géniques pour le traitement de la dépendance à l'alcool.
De précédentes études du Scripps avaient montré que la transition d’une consommation occasionnelle à une consommation dépendante s’accompagne de changements fondamentaux dans la façon dont le cerveau envoie les signaux qui alimentent les envies d’alcool. L’équipe a recherché les cellules du cerveau qui conduisent à l’état d'ébriété chez un modèle de rat dépendant à l'alcool. L’équipe identifie un groupe de cellules connectées dans une région du cerveau appelée le noyau central de l'amygdale. Les chercheurs testent ensuite, par optogénétique, le rôle d'un sous-ensemble de neurones, appelés neurones du facteur de libération de la corticotropine (CRF). Ces neurones CRF constituent en effet 80% du groupe de cellules connectées qui conduisent à l’ébriété. Cette recherche permet aux chercheurs d’identifier un seuil de référence de quantité de boisson que les rats doivent boire avant de devenir dépendants à l'alcool. Les chercheurs ont ensuite retiré l'alcool, provoquant des symptômes de sevrage chez les rats. Lorsque les rats ont à nouveau eu accès à l'alcool, ils en ont consommé plus que jamais. L'ensemble de neurones identifié était actif, invitant les rats à boire davantage.
Lorsque les chercheurs désactivent les neurones CRF, les résultats sont spectaculaires. Les rats reviennent immédiatement en deçà du seuil de dépendance. La motivation intense de boire disparait. L'inactivation de ces neurones réduit également les symptômes physiques du sevrage, tels qu’une démarche anormale et les tremblements.
Une percée énorme en science fondamentale : car la recherche révèle un circuit dans le cerveau qui entraîne un comportement destructeur spécifique. Manipuler un sous-ensemble critique de neurones responsables de la consommation excessive d'alcool constitue donc une nouvelle piste très prometteuse pour lutter contre l’alcoolisme. Avec de plus, un effet réversible. Il va donc maintenant falloir trouver un moyen d’inhiber sélectivement ces neurones spécifiques chez l’homme, en utilisant, de préférence une molécule qui cible spécifiquement cette voie.
Les chercheurs s’intéressent déjà aux « projections » des neurones identifiés, qui pourraient, elles-aussi jouer un rôle clé dans la dépendance à l'alcool ou à d’autres substances.
Source: Nature Communications 8 March, 2019 Inactivation of a CRF-dependent amygdalofugal pathway reverses addiction-like behaviors in alcohol-dependent rats
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