Aux Etats-Unis, le nombre de décès liés aux opioïdes synthétiques est passé d'environ 3.000 en 2013 à plus de 30 000 en 2018, annonce ce rapport de la Rand Corporation, une organisation indépendante de recherche en Santé publique. Les opioïdes de synthèse comme le fentanyl sont impliqués dans 2 fois plus de décès que l'héroïne. Si ce constat dramatique concerne essentiellement les Etats-Unis, les Autorités sanitaires européennes et françaises réfléchissent aussi aux interventions permettant d’endiguer cette crise des opioïdes. C’est l’appel d’urgence lancé par ce rapport, de mise en œuvre de stratégies uniques pour inverser ce raz-de-marée.
Car aux Etats-Unis, l’incidence des overdoses n’en finit pas d’augmenter, et le fentanyl est maintenant à l’origine de dizaines de milliers de décès. Selon ces experts, la situation est très spécifique car largement dictée par les prescriptions des médecins et non par la demande des utilisateurs. « La plupart des patients qui consomment des opioïdes ne demandent pas le fentanyl et préfèrent même éviter l'exposition », relève l’auteur principal, Bryce Pardo, chercheur associé au RAND.
En France, la situation est plus mesurée même si aujourd’hui, 12 millions de personnes consomment des médicaments opioïdes. Leur prescription aurait même doublé entre 2004 à 2017 atteignant aujourd’hui le chiffre d’1 million de prescriptions par an. En tête des ventes d’opioïdes le tramadol, le fentanyl disponible sous forme de patch transdermique étant moins consommé.
Retarder de quelques années l'apparition des opioïdes illicites pourrait sauver des milliers de vies
Aux Etats-Unis plus particulièrement, le fentanyl est également devenu une drogue illicite, avec des unités de production et de distribution illicites. Ainsi, les experts du Rand décrivent ici les multiples sources pouvant expliquer la large diffusion et la « flambée » des opioïdes synthétiques sur le « marché ». Introduction clandestine, fabrication dans des pays moins bien réglementés, vente via Internet et partage des protocoles permettant leur synthèse. Si aux Etats-Unis toujours, les opioïdes de synthèse restent encore des substances « minoritaires » sur les marchés des drogues illicites, les auteurs appellent les autorités à la vigilance.
Les stratégies se doivent d’être innovantes, face à ce défi bien particulier : Si ici, les chercheurs se gardent de faire des recommandations politiques spécifiques, ils préconisent un large éventail d'approches innovantes telles que des salles de consommation supervisée ou l'élargissement de l'accès aux traitements de sevrage disponibles dans d'autres pays. En particulier à l’antidote en cas d’overdose, le naloxone. Ensuite, ils suggèrent une certaine créativité dans la réponse à apporter par les autorités : « ce problème des opioïdes synthétiques pourrait éventuellement être résolu avec des approches ou des technologies qui n'ont pas encore été testées. Limiter les réponses politiques aux approches existantes sera probablement insuffisant et pourrait condamner de nombreuses personnes à une mort prématurée ».
Aller jusqu’à créer des ruptures d’approvisionnement ? Les chercheurs du RAND soutiennent en effet que puisque la diffusion du fentanyl est en grande partie dictée par les prescriptions des médecins, il pourrait être judicieux de considérer la rupture d'approvisionnement comme un des éléments de la réponse globale. Ce type d’intervention pourrait également permettre de freiner les achats en ligne.
Enfin, ce rapport balaie également notamment via l’analyse d’études internationales, les marchés des opioïdes synthétiques dans d’autres parties du monde dont l’Europe. Il constate qu’en Europe aussi, les opioïdes de synthèse remplacent de plus en plus l'héroïne. Et ces preuves provenant de l'étranger suggèrent que les opioïdes de synthèse sont peut-être là pour rester :
le rapport n’identifie en effet aucun marché où le fentanyl perd du terrain devant un autre opioïde.
Source: RAND Corporation August 2019 The Future of Fentanyl and Other Synthetic Opioids
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