Mettre un frein à la rechute d'héroïne, c’est l’objectif principal de tous les addictologues, face aux patients atteints troubles liés à l'utilisation de substances et ayant déjà rechuté. Cette équipe de l'Université de Caroline du Sud (MUSC) identifie et éclaire le rôle bien particulier des astrocytes, un type de cellules cérébrales dans la dépendance à l'héroïne et les rechutes. Ces travaux, publiés dans la revue Science Advances, révèlent que ces cellules cérébrales en forme d'étoile pourraient « éteindre » les neurones impliqués dans la rechute.
Car si des signaux associés à la substance dans l'environnement peuvent intensifier le désir de substance ou craving, entraînant finalement une rechute, les astrocytes peuvent quant à eux réguler et « éteindre » la réponse à ces stimuli. C’est la démonstration proposée par les Drs Peter Kalivas et Anna Kruyer, tous deux du Département de neurosciences de la MUSC, qui ont décrypté comment les astrocytes interagissent avec les neurones pour accomplir cette régulation de la réponse aux stimuli environnementaux.
Rompre l'accoutumance
Lorsque nous apprenons résoudre un problème, les cellules messagères de notre cerveau, appelées neurones, créent des connexions qui leur permettent de mieux communiquer, ce qui permet, la fois suivante, lorsque le problème se repose, de le résoudre plus facilement. C’est le même processus qui est en jeu chez l’usager, lorsqu’il associe le plaisir à la substance. Les neurones concernés communiquent à nouveau via une connexion chaque fois renforcée, induisant l’usager à rechercher à nouveau sa substance.
La communication entre les neurones est régulée par les astrocytes et le glutamate
L’étude montre que :
- un groupe d’astrocytes régule les neurones et agissent comme des feux de circulation, régulant leur communication y compris en cas de comportement d’addiction.
- un autre acteur, le messager chimique glutamate, est identifié comme clé dans la dépendance et la rechute. Le glutamate excite les neurones et les amène à envoyer des signaux électriques pour communiquer entre eux.
L’hypothèse de la dépendance au glutamate : selon cette hypothèse, une trop grande quantité de glutamate peut déclencher une activation chronique des neurones en réponse aux stimuli liés à la drogue. Cette activité continue surmultiplie la communication entre les cellules, ce qui stimule le comportement de recherche de substance jusqu’à la rechute.
Les astrocytes, freins possibles au craving ? Les astrocytes, qui peuvent ralentir la communication hyperactive, constituent une nouvelle cible possible. L’équipe décrypte leur rôle sur un animal modèle de rechute d’héroïne. Ces souris ont appris d'abord à s'auto-administrer de l'héroïne en appuyant sur un levier, puis chaque fois qu’ils appuient sur le levier, ils reçoivent la substance ainsi que des signaux lumineux et sonores, ou stimuli associés à la drogue. Ensuite, le signal et le médicament sont supprimés, ce qui imite la situation de sevrage. Enfin, les animaux ont à nouveau accès au signal, et leur pression sur le levier devient une mesure de leur recherche de drogue et du risque de rechute. Chez ces souris addict, les chercheurs montrent que
- les astrocytes s'adaptent de 2 manières pour réduire la recherche de substance pendant le sevrage ;
- un groupe d'astrocytes se rapproche des neurones et éloigne le glutamate de la synapse, réduisant ainsi la communication entre les neurones ;
- un autre groupe d’astrocytes augmente l'expression du transporteur de glutamate GLT-1, qui éponge l'excès de glutamate ;
- ces 2 stratégies opérées par les astrocytes mettent un frein à la communication neuronale lors du sevrage.
Seul problème, les astrocytes sont moins nombreux et moins disponibles pour remplir cette fonction de freinage pendant la phase de rechute, parfois situés plus loin des neurones. Ici, et de manière expérimentale, les scientifiques parviennent à activer et désactiver les astrocytes pour modifier leur comportement, confirmant ainsi leur rôle important.
Ces données sont cruciales pour le développement de stratégies permettant de réduire les rechutes. De précédents essais cliniques avaient en effet montré que la réduction du glutamate seul n'est pas suffisante pour prévenir les rechutes chez l'Homme. Ces résultats suggèrent la possibilité qu'un traitement combiné qui non seulement réduise les niveaux de glutamate mais accentue également cet effet de freinage des astrocytes.
C’est également un nouvel argument pour « adopter une vision plus holistique du système nerveux et considérer que les types de cellules autres que les neurones ont aussi la capacité d'influencer le comportement ».
De nombreux gènes s'expriment dans les astrocytes qui ne sont pas exprimés dans d'autres cellules cérébrales, y compris les neurones. Identifier ces gènes et ceux plus particulièrement impliqués dans ces processus de rechute, pourrait permettre de concevoir des médicaments qui augmentent de manière sélective la capacité des astrocytes à inhiber ces rechutes.
Source: Science Advances Aug, 2022 DOI: 10.1126/sciadv.abo7044 Plasticity in astrocyte subpopulations regulates heroin relapse
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