Si elle ne recommande pas la cigarette électronique comme outil d’aide à l’arrêt du tabac, la Haute Autorité de Santé (HAS), conseille, dans sa dernière recommandation sur le sevrage tabagique, de ne pas décourager son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer. Si son efficacité et son innocuité n’ont pas été suffisamment évaluées à ce jour, la HAS qualifie d’ores et déjà sa toxicité beaucoup moins forte qu’une cigarette. Mais la conformité dans le geste, qui fait son succès actuel, n’est-elle pas de nature non seulement à perpétuer l’habitude du fumeur et à inciter, sous couvert d’une toxicité moindre, le non-fumeur?
Se faire accompagner par son médecin ou un professionnel de santé qualifié, reste la condition essentielle pour mettre de son côté toutes les chances d'arrêter de fumer. La HAS le rappelle, dans ces nouvelles recommandations, tout comme l'utilité des traitements classiques à base de nicotine (patchs, gommes, comprimés à sucer, inhalateurs et sprays buccaux) qui devraient rester les traitements prescrits en première intention, juste avant les médicaments varénicline et bupropion prescrits par le médecin, si nécessaire, en seconde intention.
Mais lorsqu'on a décidé de cesser de fumer seul, sans médecin, sans médicament, la cigarette électronique est devenu en peu de temps le principal recours, car accessible, ludique, et fidèle dans le geste à la cigarette classique. La HAS se voit donc aujourd'hui contrainte à prendre position sur les conditions optimales de son utilisation, malgré encore peu de données sur son efficacité et sur le risque d'effets indésirables. Car, dans la réalité, et tout particulièrement auprès des jeunes, l'e cigarette a balayé en quelques années tous les autres substituts. Et si le taux d'échec mentionné pour les fumeurs qui arrêtent seuls est de 97%, c'est sans prendre en compte l'existence de ce nouvel outil. Si elle ne recommande pas la cigarette électronique comme « outil d'aide à l'arrêt du tabac « , la HAS considère que, du fait de sa toxicité beaucoup moins forte qu'une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui veut s'arrêter de fumer ne doit pas être découragée.
Une passerelle vers l'expérimentation ? Pourtant, les tendances d'utilisation suggèrent que la cigarette électronique pourrait inciter à l'expérimentation, et en particulier les jeunes, ce qui constituait au départ le principal écueil à éviter. Une image positive qui encourage les jeunes à l'expérimenter, c'est bien ce que suggère une récente et large étude menée à l'Université du Minnesota et publiée dans l'édition de ce mois-ci de l'American Journal of Preventive Medicine. Et l'engouement des jeunes est bien là, de plus en plus marqué, soulignent les dernières données d'usage chez les étudiants du collège et du lycée publiées par les Centers of Disease Control and Prevention (CDC) américains. Pourtant, avec l'augmentation de son usage, celui des produits du tabac ne diminue pas…Alors la e-cigarette n'inciterait-elle pas, en réalité à la consommation de cigarettes classiques ? Là encore, une enquête menée à l'Université du Michigan conclut que 44% des parents sont convaincus que ce type de dispositif va plutôt encourager les enfants ou les jeunes à fumer de « vrais » produits du tabac.
L'alternative est-elle vraiment moins nocive ? Très peu de données car peu d'antériorité ont documenté les risques spécifiques de la cigarette électronique, en dehors du risque lié à la nicotine elle-même, présente à différents niveaux dans les différents dispositifs proposés. Or qui dit nicotine, dit non seulement substance addictive majeure de la cigarette mais aussi autres risques liés à la nicotine, comme le risque d'athérosclérose, relevait une recherche présentée à la dernière Réunion annuelle de l'American Society for Cell Biology.
Une efficacité jugée similaire au patch : Cette étude publiée dans le Lancet le suggère, après 13 semaines de e cigarette avec nicotine vs patch, à 6 mois, 7,3% groupe e-cigarettes (7,3%) sont toujours abstinents vs 5,8 pour le patch (5,8 %). Ou encore cette étude menée auprès de fumeurs actuels et repentis, de 4 pays, qui, sans dédouaner la cigarette électronique d'effets néfastes possibles, et sous condition de preuves scientifiques crédibles et indépendantes l'envisage comme un outil possible en Santé publique.
En conclusion, un succès certain mais beaucoup d'inconnues et de « pour » et de « contre » qui justifient aujourd'hui la position raisonnable de la Haute Autorité de Santé.
HAS Questions / Réponses : Sevrage tabagique (Visuel @diego cervo – Fotolia.com)